Place forte de Mont-Dauphin

Le Centre des monuments nationaux présente « Little Bighorn », une œuvre monumentale de l’artiste sculpteur Ousmane Sow, au sein du village fortifié de Mont-Dauphin.
Vue générale de l'exposition "Little Bighorn"© Olivier Guéneau - Centre des monuments nationaux / © Ousmane Sow - ADAGP
Constituée de trente-cinq pièces sculptées selon une technique propre à l’artiste, la série "Little Bighorn" forme dans son ensemble une dizaine de scènes de combats en référence au célèbre affrontement qui opposa les Indiens des Plaines à l’armée fédérale des Etats-Unis en 1876. Cette série épique est exposée sous l’exceptionnelle charpente à la Philibert Delorme, datant du XIXe siècle constituée de bois assemblés, dans la partie Est du comble de la caserne Rochambeau. Cet espace, qui n’avait jusqu’ici jamais reçu d’exposition, a été spécialement aménagé pour accueillir cette série d’œuvres au sein d’un environnement à leur mesure : le village fortifié de Mont-Dauphin. Adossé aux Alpes, le site est célèbre pour ses fortifications inscrites au Patrimoine mondial de l’Unesco qui furent édifiées par Vauban entre 1693 et 1704 pour protéger le royaume de France des intrusions savoyardes.
Souhaitant représenter des peuples spirituellement proches des ethnies africaines déjà créées (Nouba, Masaï, Zoulou et Peuhl), Ousmane Sow s’intéresse aux Indiens des Plaines d’Amérique du Nord.
« J'avais pensé sortir un peu de l'Afrique pour créer une autre ethnie qui se rapprocherait un peu de nos coutumes, et j'ai pensé aux indiens d'Amérique. Ils ont, comme la plupart des peuplades africaines, le souci de leur corps, le goût du maquillage, et la vénération de leur sorcier. Comme je ne pouvais pas représenter la totalité de la race indienne, j'ai pris pour prétexte la bataille de Little Bighorn, où le Général Custer a perdu la bataille et a été tué. « Little Bighorn » représente une des plus éclatantes victoire indienne. C'est la série la plus importante que je compte réaliser. » Ousmane Sow, 1996
Cette série qu’il termine en 1999, est composée de trente-cinq pièces qui furent exposées à Paris en juin 1999, lors de la rétrospective de ses œuvres sur le pont des Arts, rétrospective qui lui permet de connaître un succès international. Une partie de cette série sera par la suite exposée au Whitney Museum de New York, en 2003, dans le cadre d’une exposition intitulée « American effect ».
Réalisée dans la cour de la maison de l’artiste, atelier à ciel ouvert, cette série épique représente les libres Indiens sioux et cheyennes, et tout particulièrement les chefs sioux lakota Sitting Bull, Crazy Horse et Chief Gall, ainsi que le chef cheyenne Two Moons, s’opposant une dernière fois aux troupes fédérales américaines sur les rives de la Little Bighorn. Au cours de cette bataille, le Général Custer, à la tête du 7ème régiment de cavalerie, fut tué à l’issu d’un combat au corps à corps.
Mains d'un cavalier © Olivier Guéneau - Centre des monuments nationaux / © Ousmane Sow - ADAGP
L’ensemble sculpté « Little Bighorn » est composé de onze chevaux et vingt-quatre personnages. Toutes les œuvres ont été sculptées selon une technique propre à Ousmane Sow : structure en fer à béton – paille plastique fondue et modelée, puis toile de jute enduite d’une matière de sa composition.
La série est présentée au sein de la partie Est du comble de la caserne Rochambeau qui, constituée de deux ailes, accueille d’un côté le cœur de la bataille et de l’autre quelques scènes marquantes illustrant la défaite des troupes américaines. L’artiste souhaitait en effet présenter séparément les deux temps de la bataille.
Au sein du comble où les visiteurs peuvent circuler de part et d’autre, les œuvres de la série « Little Bighorn » font revivre cet épisode exceptionnel de l’histoire des Etats-Unis. La scénographie a été réalisée par Béatrice Soulé, réalisatrice, productrice, agent artistique et compagne d’Ousmane Sow, disparu en 2016.
C’est Sitting Bull en prière qui accueille le visiteur à l’entrée de la première aile de la caserne.
Représenté lors de la « Danse du soleil », Sitting Bull, à l’écart du combat, tourne le dos à une série de scènes indissociables :
- La scène intitulée La fin d’un parcours, représentant un cavalier indien qui vole au secours d’un autre indien à cheval
- La scène des Soldats dos-à-dos, l’un tirant sur l’Indien blessé, l’autre sur le Cavalier désarçonné tandis que Chief Gall riposte, accoudé sur la patte de son cheval au sol : c’est La riposte de Chief Gall
- Crazy Horseest assailli, scène incluant Moving Robe, la seule femme ayant participé à la bataille, qui tire sur l’assaillant de Crazy Horse
- La charge de Two Moons, scène majeure de la série, comptant quatre chevaux morts enjambés par Two Moons et son cheval, à l’assaut du Soldat immobilisé et du Soldat à la tête renversée (un traitre indien).
Indien blessé © Olivier Guéneau - Centre des monuments nationaux / © Ousmane Sow - ADAGP
À l’entrée de l’autre aile, Le clairon sonne la levée du camp indien en même temps que la défaite de l’armée américaine, symbolisée par La retraite du soldat qui clôture le parcours : un soldat dessellant son cheval. Cette dernière œuvre fait suite à La mort de Custer et à plusieurs scènes comme la Bagarre au couteau, la Scène de scalp et l’Indien dépouillant un soldat mort. À l’extrémité de la galerie, un espace de médiation permet d’en apprendre davantage sur la vie et les œuvres de l’artiste, et sur sa technique. Les visiteurs peuvent aussi découvrir l’extrait d’un documentaire réalisé par Béatrice Soulé qui a filmé pendant un an la création de « Little Bighorn » par Ousmane Sow dans l’intimité de son atelier à Dakar. Des éléments de compréhension sur la bataille de Little Bighorn et son contexte historique sont également mis à disposition.
Un catalogue raisonné bilingue présentant et localisant l’intégralité de l’œuvre d’Ousmane Sow est paru à l’occasion de l’ouverture de l’exposition « Little Bighorn » au sein du village fortifié de Mont-Dauphin. Établi par Béatrice Soulé et distribué par Actes Sud, ce catalogue est riche de 240 pages et de près de 200 photos. Préface de Nancy Huston et contributions inédites de Souleymane Bachir Diagne et d’Emmanuel Daydé. Entretien avec Marie Odile Briot et textes sur l’œuvre et son créateur de Pierre Gaudibert, Françoise Monnin, Germain Viatte, Ernest Pignon Ernest, Lawrence Rinder, Sylvain Sankale, Jacques A. Bertrand, Charles Juliet et Béatrice Soulé.
25 juin 1876. La bataille de Little Bighorn
Les Sioux et les Cheyennes rassemblés le long de la rivière Little Bighorn remportent leur plus importante victoire sur le 7ème régiment de cavalerie du Général Custer.
1868 : à Fort Laramie, les Indiens Lakota, représentés par leurs chefs Red Cloud et Spotted Tail, signent un traité censé protéger leur territoire du Wyoming, à l’est des Monts Bighorn, dans le Montana, “tant que le soleil brillera et que l’herbe poussera”. Cinq cercles tribaux de Sioux s’installent alors le long des rives de Little Bighorn (les Hunkpapa, les Minneconjou, les Oglala, les Sans-Arc, les Brulés et quelques Blackfeet), ainsi que deux cercles tribaux de Cheyennes du Nord, soit quinze mille Indiens, dont trois mille guerriers.
1874 : le Général Custer et ses hommes découvrent de l’or dans les Blacks Hills.
1876 : le Traité de Fort Laramie se transforme en déclaration de guerre. Le ministère de la Guerre, réuni en congrès à Washington, ordonne de déporter les tribus Sioux et Cheyennes dans des réserves.
Corps à corps au couteau © Olivier Guéneau - Centre des monuments nationaux / © Ousmane Sow - ADAGP
Sitting Bull, le shaman, “l’homme-médecine”, était devenu à trente-sept ans le chef suprême des Sioux. En 1876, lors de la « Danse-du-Soleil », au cours de laquelle le Sioux endure de grandes souffrances physiques et fixe le soleil en face pour implorer la pluie, il a la vision de soldats venant s’abattre par centaines au milieu d’eux. Custer décide d’en finir avec les Indiens et de les attaquer, le 25 juin 1876. Il envoie le général Reno donner l’assaut par le sud de la rivière. Two Moons, alerté par un nuage de poussière remontant le long de la rivière, rassemble ses hommes en un éclair et réussit, avec l’aide de Chief Gall, à faire battre en retraite les troupes de Reno. Et tandis que Sitting Bull emmène les femmes et les enfants à l’abri, Chief Gall, Crazy Horse, et Two Moons, prennent en étau les troupes des généraux Custer et Beenten arrivant par le nord. Ces troupes viennent, comme dans la vision de Sitting Bull, tomber en pluie au milieu d’eux. Une seule femme participa au combat, Moving Robe.
Lequel d’entre eux tua Custer ? On ne le saura jamais vraiment.
Les témoignages indiens concordent pour dire que Custer fut assommé par un Indien qui, après un combat au corps à corps (la seule forme de combat digne de ce nom pour les Sioux), l’acheva. Après la victoire, Sitting Bull apprenant que certains Indiens avaient, malgré son interdiction, scalpé et dépouillé des corps, dira : “parce que vous avez pris les dépouilles, vous convoiterez désormais les biens de l’homme blanc, vous serez à sa merci, il vous affamera”.
Quatorze ans plus tard, à Wounded Knee., la dernière résistance indienne est définitivement anéantie.
Indien dépouillant un soldat mort © Olivier Guéneau - Centre des monuments nationaux / © Ousmane Sow - ADAGP
“Avec l’irruption de ses Nouba au milieu des années 80, Ousmane Sow replace l’âme au corps de la sculpture, et l’Afrique au cœur de l’Europe.“ Emmanuel Daydé
“En passant d’un continent à un autre, Ousmane Sow rend hommage, dans sa dernière et puissante création, aux ultimes guerriers d’un même soleil.“ Emmanuel Daydé
Né le 10 octobre 1935 et décédé le 1er décembre 2016 à Dakar, Ousmane Sow, bien que sculptant depuis l’enfance, fit de la sculpture son métier à part entière seulement à partir de l’âge de cinquante ans. Mais la kinésithérapie qu’il exerça jusque-là n’est sans doute pas étrangère au sens de l’anatomie que l’on trouve dans son œuvre. Durant toutes ces années d’activité, il transforme la nuit son cabinet médical et ses appartements successifs en ateliers de sculpture, détruisant ou abandonnant derrière lui les œuvres qu’il crée.
Son travail fut révélé en 1987 au Centre Culturel Français de Dakar, où il présente sa première série sur les lutteurs Nouba, dont deux pièces sont exposées six ans plus tard, en 1993, à la Dokumenta de Kassel en Allemagne. Puis, en 1995, au Palazzo Grassi, à l’occasion du centenaire de la Biennale de Venise.
Naitront ensuite trois séries de sculptures africaines : les Masaï en 1988, les Zoulou en 1991, et les Peulh en 1993. C’est seulement dix ans plus tard qu’Ousmane Sow entreprend la création de la série Petits Nouba, estimant n’avoir pas abouti la série Nouba de 1984 et souhaitant y ajouter quelques thèmes.
Sculptant la plupart du temps des hommes en action, l’artiste fait de la lutte la métaphore et le corps même de son travail. S’attachant à représenter l’homme, il travaille par séries et s’intéresse aux ethnies d’Afrique puis d’Amérique, et puise son inspiration aussi bien dans la photographie que dans le cinéma, l’histoire ou l’ethnologie.
En 1999, à Paris, sur le pont des Arts, entre le Louvre et la Coupole, s’installent en majesté les séries africaines, mais aussi « Little Bighorn » qui vient de naître. Un acte fort pour la reconnaissance de son œuvre, mais aussi une fierté pour l’Afrique, ce continent auquel il pense en acceptant la proposition d’entrer à l’Académie des beaux-arts.
Ousmane Sow - Atelier de Dakar 1998 - Création Little Bighorn © Béatrice Soulé - Roger-Viollet - ADAGP
Comment Ousmane Sow aurait-il pu imaginer alors que, quatorze ans plus tard, il traverserait le Quai Conti pour y faire son entrée ? Et qu’il serait le premier noir à intégrer cette institution, lui qui fit ses débuts en sculpture à l’école primaire de Rebeuss à Dakar, et dont la première œuvre fut celle d’un petit marin taillé dans du calcaire et exposée sur l’armoire de l’école. Il ne cessa de sculpter depuis, tout en pratiquant à l’âge adulte son métier de kinésithérapeute, transformant, la nuit ou entre deux clients, ses cabinets successifs en ateliers de sculpture, y réalisant des films d’animation, avec une caméra Pathé à manivelle, à partir de petites sculptures animées.
Il restera hanté jusqu’à son décès par ces sculptures animées sur lesquelles il travaillait les derniers temps avec passion, tournant toujours autour du même visage, celui de l’Empereur fou.
Pour son intronisation à l’Académie des beaux-arts, le couturier Azzedine Alaïa lui offre la création de son costume, et Ousmane Sow réalise lui-même la sculpture du pommeau de son épée : Le saut dans le vide, en mémoire du jour où il décida d’arrêter son métier de kinésithérapeute pour se consacrer entièrement à la sculpture. Il avait auparavant sculpté le pommeau de l’épée d’académicien de Jean-Christophe Rufin, représentant Colombe, personnage emblématique de son roman Rouge Brésil.
Entre temps, Ousmane Sow s’essaye à la réalisation de ses œuvres originales en bronze, une forme de création qui finit par le passionner, et pour laquelle il trouve une signature personnelle, avec des patines parfois très colorées. Plus de quatre-vingt-dix bronzes, grands et petits, virent ainsi le jour.
Cinq grands bronzes sont installés en France, à Besançon, à Versailles, à Angers, à La Rochelle, et à Paris (Victor Hugo, Le Général de Gaulle, L’homme et l’enfant, Le Guerrier debout, Toussaint Louverture, Couple de lutteurs corps à corps), l’un est installé à Genève (L’Immigré) et un autre à Rabat devant le Musée Mohamed VI (Le guerrier debout), premier bronze dans l’espace public sur le continent africain. Certains font partie de la série des grands hommes, intitulée Merci, qui compte en son sein également Nelson Mandela et le propre père de l’artiste, Moctar Sow.
Une autre et plus ancienne effigie de Toussaint Louverture a été acquise par le Museum of African Art de la prestigieuse institution du Smithsonian à Washington.
La Maison Ousmane Sow a été inaugurée lors de la Biennale des Arts de Dakar en 2018.
Un bronze du Couple de lutteurs corps à corps (série Nouba) a été installé de façon pérenne Place de Valois à Paris, le 20 mars 2020 à l’occasion des vingt ans de l’exposition du pont des Arts. Un mois plus tard était inaugurée, dans le 15° arrondissement de Paris, une place Ousmane Sow.
L'exposition "Little Bighorn" est présentée en intérieur et accessible toute l'année à Mont-Dauphin, cliquez ici pour plus d'information et rendez-vous sur notre e-billetterie pour réserver votre horaire d'accès.
Pour en savoir plus sur Ousmane Sow et son œuvre, visitez le site de la Maison Ousmane Sow en cliquant ici.
La Maison Ousmane Sow est accessible en visite virtuelle : cliquez ici !
Exposition réalisée avec le soutien de :